dimanche 30 décembre 2012

Schober's Cabinet "It is in the wrong envelope" (2012/Bam Balam 015)


Schober's Cabinet "It is in the wrong envelope" (2012/Bam Balam 015)

Denis Stockhausen Von Ulm (guitars, bass, organ, vocals) and Zach Ryl (percussion) are offering us a psychedelic album "It is in the wrong envelope", which seems to have come directly from 1967-1968.
Recorded in their small studio, with the sound and mixing typical of the era, vintage guitar, the good old Farfisa organ accompaniment, and finally featuring a 10 minutes experimental piece at the end with a mesmerizing riff, one may indeed believe it came from the sixties!
Do not miss a chance to listen to it now!

Denis Stockhausen Von Ulm ( Guitars, Bass, Organ, vocals) et Zach Ryl (percussions), nous proposent un album psychédéliquealternant improvisations acides et ritournelles stellaires. "It is in the wrong envelope"semble venir directement de 1967-1968.
Enregistré dans leur garage, avec un son d'époque, un mixage sixties avec guitare vintage, nappes d'orgue Farfisa, et en final un titre expérimental de 10 minutes, avec un entêtant riff hypnotique. On s'y croirait !


Schober's Cabinet "It is in the wrong envelope" (2012/Bam Balam)
It is in the wrong envelope suite (30:35)
1. Opening the Envelope 1:48
2. The Tableau of Contents 2:01
3. Peach Preserves 6:35
4. Assaulted Styrofoam Peanuts 2:02
5. A Single Greasy Spoon 5:18
6. Döbereiner's Lamp 2:29
7. Molasses 2:12
8. Pots Hpargelet Eht 4:13
9. A nice day for a package 3:35
10.Tables 10:39


XII Alfonso "CHARLES DARWIN" - XII Alfonso 2012-


XII Alfonso "CHARLES DARWIN" - XII Alfonso 2012-
  C'est une œuvre ambitieuse, difficilement classable, qui  mérite d'être signalée et écoutée attentivement. Le superbe coffret contient trois cds - l'œuvre dure  donc 3 heures- et un beau livret en anglais de 76 pages où chacun est crédité de  son rôle exact.
Ce septième disque est un  "concept" album sur la vie de Charles Darwin, il  marque un tournant important dans la carrière de XII Alfonso. Le groupe, à géométrie variable, fut fondé il y a  une vingtaine d'années par deux frères, Philippe Claerhout (guitares, etc.) et  François (claviers, ingénieur du son, etc.). Ils sont rejoints en 1998 par le  batteur Thierry Moreno, qui décède en 2011 pendant l'enregistrement de ce nouvel  album, qui lui est dédié.
XII Alfonso enregistre dans son home studio à  Bordeaux, le son doux et rond et le choix esthétique sont apparemment inspirés  par Mike Oldfield (ex guitariste de Kevin Ayers) et aussi, toute proportion  gardée, par certaines productions ECM. L'ambiance est plutôt  atmosphérique, comme les brumes d'un rêve, et met parfois en valeur, sans  démonstration technique, une voix, un clavier, un sax ou le son aérien des  guitares électriques. "Darwin" se compose d'une cinquantaine de titres  variés qui s'enchainent, dans une osmose parfaite, développant impeccablement le  concept de cette trilogie.
 L'album est à  dominante instrumentale, mais quelques morceaux sont chantés, par des invités,  principalement en anglais, mais aussi en français et même en vietnamien par  l'émouvante chanteuse Huong Thanh. Pour étoffer  leur musique le groupe a osé inviter, pour cette œuvre, une cinquantaine de  musiciens et chanteurs, dont une vingtaine de professionnels de tous horizons  (Huong Thanh & Hong Nguyen, Elliott Murpy, F.Zavala, Maggie Reilly, Terry  Oldfield, etc.) pour des passages spécifiques. La plupart des invités ne  jouent que sur un morceau, ce qui relance constamment l'intérêt de l'écoute  .  Dans cet album, aux influences diverses, l'ambient,  le progressif, les mélodies pop et même une légère coloration "jazzy" se  mélangent aisément aux "musiques du monde ". En  effet, outre les guitares, percussions, violoncelle, sax et flutes, les  musiciens utilisent habilement et discrètement une pléiade d'instruments  traditionnels dûment répertoriés; mandolines, bouzouki, dan thran (koto) ou dan  bao (luth à une corde), vali (cythare en tuyau) , kraar d'Ethiopie, balafon et  harpe de paille du Burkina Faso, guimbarde du Nord-Vietnam, tamani du Mali, etc.  XII Alfonso utilise également de nombreux claviers, toutefois il faut signaler,  sur le volume III, la présence, parcimonieuse heureusement, d'un synthé au son  parfois difficilement supportable aujourd'hui.
L'idée de départ est audacieuse et la réalisation dépasse tout ce qu'on  pouvait espérer. L'œuvre est variée, sans remplissage malgré trois heures de  musique, et le son de l'ensemble garde son unité, sa cohérence d'un bout à  l'autre. Le volume I est un classique instantané, les titres sont tous plus  beaux les uns que les autres. Les deux autres volumes nécessitent de nombreuses  écoutes pour en cerner les différents niveaux d'appréciations, et même les rares  défauts en font aussi le charme.Très peu d'artistes français peuvent prétendre à  un tel résultat.
 Voila le genre de disque que j'aurais aimé éditer  sur mon label.
  Ce coffret est disponible à Bam Balam  (Bordeaux) ou directement à :  www.xii-alfonso.com/

mercredi 5 septembre 2012

Jimi Hendrix, ile de Fehmarn, 6 septembre 1970.

Jimi Hendrix, ile de Fehmarn, septembre 1970.
Ce fameux 6 septembre, c'était son dernier vrai concert, mais on ne le savait pas encore. J'étais sur l'ile de Fehmarn, pour ces trois jours agités, je n'ai pas de photos, juste le programme approximatif et des souvenirs qui se bousculent. C'était la fin de l'été nordique, on venait de voir les Stones à Malmö. On avait repris la route, traversant le Danemark, pour assister à ce festival sur l'ile de Fehmarn. Par principe j'évite les concerts gigantesques, mais Fehmarn n'était pas du tout envahi comme Wight. Il y avait peu de froggies et donc la possibilité d'être assez prêt de la scène pour voir Hendrix.
C'était l'époque de la débrouille, j'avais même pas de billet. Faute de moyens j'étais arrivé par la plage, la veille à la nuit tombante, pour éviter le péage.Etrangement, le "service d'ordre" était assuré par des hells ivres. J'avais déjà observé les hells suédois, et je savais
comment les côtoyer, mais je ne réalisais pas totalement le danger avec ces bikers allemands. Quand ils voulaient vérifier mon billet, j'expliquais qu'il était resté très loin dans ma tente, mais j'avais pas de tente. Heureusement, par flemme, ils ont toujours laissé tomber.
A la vérité, sur l'instant, c'était une aventure excitante, et à vingt ans on n'a pas vraiment vécu ce festival comme on l'analyse, négativement, de nos jours. C'est
une habitude, maintenant trop de gens se plaignent, sans cesse, pour tout. Alors, bien sûr l'organisation était approximative, il y avait les hells, les groupes absents dont Procol Harum, et également un temps de saison, ciel sombre, vent, embruns, pluie.
Mais tout n’était pas aussi sombre, il y avait surtout Sly, Faces, Burnin Red Ivanhoe et autre Frumpy. On découvrait également, curieux et ébahis, un certain "Rock Allemand", qui ne s'appelait pas encore Krautrock. La nuit du samedi a été bercée jusqu'au petit matin par la musique de (K) Cluster, je me laissais glisser dans une douce rêverie.
Le bruit courait qu'Hendrix ne viendrait pas, aussi une partie du public avait déserté le lieu.Finalement, pour son dernier vrai concert, Hendrix a joué quand le ciel s'est dégagé, en plein jour, ce qui n'est pas idéal, mais la lumière le caressait. Il était probablement un peu à la dérive, certains disaient qu'il était dans une impasse musicale, à un moment il est même tombé, sur Foxy Lady je crois. Il s'est relevé imperturbable et a continué à nous hypnotiser. Paradoxalement, pour moi, c'était un bon concert, un souffle de folie se mêlait à l'intensité de sa présence, aussi il n'en est que plus grand dans mon souvenir. Que pouvais-je espérer de mieux! Ces trois jours passèrent ainsi, de retour en France, quelques jours plus tard, nous apprenions la terrible nouvelle. Nul n'est revenu indemne de Fehmarn, tout cela et le reste était une expérience, un rêve fantastique.
JJ.Arnould

dimanche 15 juillet 2012

"Bitches Brew ou le jazz psychédélique" -Matthieu Thibault-

Rencontre avec Matthieu Thibault qui vient de publier "Bitches Brew ou le jazz psychédélique" -Le mot et le reste-.
Propos recueillis par Jean-Jacques Arnould pour le magazine Impro Jazz.
Q- Vous êtes musicien, écrivain et musicologue. D'ou vient cette idée de faire une étude approfondie sur "Bitches Brew ou le jazz psychédélique" ?
M T: L’envie d’écrire un livre sur Bitches Brew de Miles Davis vient, avant tout, du fait qu’il s’agit de l’un de mes albums préférés, tous genres confondus. Il représente beaucoup parce qu’il a été, comme pour beaucoup d’autres fans de rock psychédélique j’imagine, ma porte d’entrée dans le monde jazz. Du fait de l’utilisation des instruments électriques, des effets de transe et du goût certain de Miles pour les vestes cintrées et les lunettes futuristes, Bitches Brew parle nécessairement à tout amateur de rock expérimental. L’idée première du livre, et c’était déjà le cas pour mon précédent La Trilogie Bowie-Eno, est d’analyser le processus de composition et d’enregistrement en deux temps élaboré par Miles et son producteur Teo Macero : il ne s’agit plus d’enregistrer des pièces fixées et répétées par un groupe donné, mais d’expérimenter en studio et d’en éditer le résultat pour construire l’oeuvre telle que nous la connaissons, c’est-à-dire un double album. C’est pour cela que je désigne Bitches Brew par l’appellation "jazz psychédélique" plutôt que jazz rock ou fusion : même si la composante improvisée et collective du jazz reste essentielle, elle est, cette fois, transformée par une utilisation du studio d’enregistrement proche de celle abordée par les groupes de rock psychédélique et expérimental de la même période, des Beatles à Can en passant par Jimi Hendrix. Le jeu et l’inspiration des instrumentistes sont ainsi modifiés par l’électricité, les effets, les choix de mixage, le collage et le montage des bandes par Macero. Il m’a semblé intéressant d’analyser en quoi ce processus de création séparait Bitches Brew non seulement du rock psychédélique mais aussi du jazz contemporain.
Q-Dans cet ouvrage vous étudiez l'évolution rock et psychédélique prise par Miles Davis. Pouvez-vous nous présenter votre livre ?
M T: Bitches Brew ou le jazz psychédélique est, en fait, une adaptation d’un mémoire de musicologie. Il s’inscrit dans une approche de la critique musicale, je l’espère, rigoureuse, mais adaptée au langage musical dont il est question. C’est le cas dans bon nombre d’excellents ouvrages publiés chez mon éditeur Le Mot et Le Reste d’ailleurs. Je présente donc la carrière de Miles Davis avant la période électrique de la fin des années soixante avant de disséquer les nouvelles influences de l’époque - sa nouvelle compagne Betty Mabry, Jimi Hendrix, James Brown, Sly Stone - qui le poussent à enregistrer une musique totalement différente à partir de 1968. La partie centrale du livre se concentre sur le déroulement de l’enregistrement d’In A Silent Way - l’album préparant le terrain à Bitches Brew - et, bien sûr, Bitches Brew ainsi que sur l’analyse des pièces qui les composent. Il n’est pas tellement question de retranscrire les partitions de chaque musicien, mais plutôt de détailler les transformations opérées par Teo Macero sur le matériau musical brut du groupe de Miles, c’est pourquoi j’ai retracé précisément tous les événements musicaux des pièces montées par Macero pour en analyser les effets et les moyens mis en oeuvre. Non seulement la musique électrique constituée d’une section rythmique colossale à deux ou trois claviers, quatre percussionnistes et deux bassistes forme un magma novateur, mais les changements opérés par Teo Macero la propulse vers le chef-d’oeuvre sans antécédent : le matériau musical, joué comme du jazz progressiste, devient désormais un tout façonné et structuré pour présenter l’oeuvre la plus forte, mystérieuse et intense possible. Mon livre tente d’expliquer le processus inédit de la création d’un album unique et l’effet incroyable qu’il procure. Le dernier chapitre, lui, évoque l’après Bitches Brew, lorsque son esthétique a été reprise, en surface seulement - et malheureusement -, par tout le mouvement jazz rock et fusion des années soixante-dix.
Q- Votre précédent livre sur la trilogie Berlinoise de Bowie-Eno est sorti il y a un an. D'après Eno, la principale matière d'une musique n'est plus le développement harmonique, les rythmes ou les accords mais la texture. Qu'en pensez-vous ?
M T: Il y a deux éléments essentiels qui ressortent des albums et des écrits d’Eno avec lesquels je suis entièrement d’accord : la musique est d’abord faite de sons et la technique instrumentale n’est qu’un outil parmi d’autres. Ce que veut dire Eno par son rejet du développement harmonique, des rythmes ou des accords n’est pas tant une négation de tous ces outils -certaines de ses créations les plus réussies comme l’album Another Green World sont remplies de superbes suites d’accords- qu’une mise en garde contre les conventions. La création musicale n’est pas une affaire de technique musicienne : ce qui fait qu’une chanson des Zombies est un chef-d’oeuvre pop ou que Tony Williams est un génie ne tient pas directement d’une harmonie vocale à trois voix, brillante par ailleurs, ou d’un jeu mêlant adroitement binaire et ternaire, c’est d’abord parce que ces deux exemples témoignent de visions artistiques uniques : le parfum mélancolique, à la fois délicat et tragique des Zombies, comme le chaos contrôle de Williams. Le reste n’est que moyen technique, et ce que pointe Eno du doigt, c’est la technique académique. Il est donc question de se détacher des conventions et de mettre en place des dispositifs permettant d’atteindre la vision artistique recherchée. Dans le cas de la musique, toutes les visions ont en commun d’apparaître sous forme de son, ou de texture, si bien qu’en mettant de côté les conventions de composition, il reste l’essentiel : la texture.
Q- Vous venez du "rock" alors comment avez-vous découvert le jazz et quand avez-vous commencé à vous y intéresser ?
M T: Il y a six ans à peu près, en sortant du lycée probablement. J’ai naturellement commencé à écouter In A Silent Way qui me rappelait certains groupes de post-rock que j’appréciais beaucoup comme Do Make Say Think ou l’album Standards de Tortoise. Puis j’ai été plus loin avec Bitches Brew et Jack Johnson. Ce qui est formidable avec ces albums, c’est qu’ils ont été réédités sous forme de coffrets de Complete Sessions qui permettent d’entendre toutes les prises et les pièces laissées de côté à l’époque. Il est donc possible et particulièrement fort d’écouter trois ou quatre heures de longues improvisations de Miles et ses groupes, empruntant tantôt au rock, au funk, à la musique indienne, à la musique brésilienne, à Stockhausen. Bref, il y a l’idée de transe et de trip qui m’a tout de suite plu, mais cela m’a aussi rendu curieux vis-à-vis de l’improvisation et des timbres plus acoustiques du jazz. Comme beaucoup de gens j’imagine, je me suis dirigé vers le Second Quintet de Miles et A Love Supreme de John Coltrane. C’est tout un nouveau monde que j’ai découvert et je trouve tous ces enregistrements fantastiques, inspirés et intenses. Le free jazz m’intéresse énormément également, Eric Dolphy et Ornette Coleman essentiellement, mais je dois avouer que je continue de ne pas m’y retrouver totalement avec le jazz pré-1959. J’aime l’improvisation, encore une fois comme un moyen mais pas comme une fin en soi, et la composante collective forte des années soixante me correspond sans doute mieux.
Q- Sous le pseudonyme Duck Feeling, vous formez avec votre frère Mad Rabbit le groupe expérimental ou art-rock The Snobs. Vous avez 23 ans et vous avez déjà publié treize disques, je crois, et deux livres en tout juste 10 ans. Comment passez-vous de l'un à l'autre ?
M T: Les deux activités sont tout à fait différentes, ne serait-ce que par le fait que la création avec The Snobs se fait à deux alors que l’écriture est solitaire. Cela se complète très bien à vrai dire et les deux se nourrissent l’un et l’autre. Les thèmes qui me sont chers à l’écrit - l’utilisation du studio d’enregistrement notamment - se retrouvent nécessairement dans la musique de The Snobs et inversement, mes deux livres sont le résultat des discussions et réflexions sur l’enregistrement, la composition et la création que nous avons pu avoir avec Mad Rabbit.
Q- Dans votre travail avec The Snobs, j'ai l'impression qu'il y a un habile mélange de spontanéité et de maturation ?
M T: Peut-être. Encore plus depuis notre dernier album Rhythms Of Concrete et Massive Liquidity, avec Steve Dalachinsky, en tout cas, parce que nous ne composons plus en amont des chansons que nous enregistrons et que nous arrangeons ensuite par overdubs. Désormais, nous nous retrouvons avec une idée de son, de structure ou d’instrument, puis nous testons différentes choses pendant quelques temps. Une fois qu’un dispositif nous plaît - ce peut être une improvisation de guitare, un sample de batterie ou des bruits électroniques -, nous enregistrons quelques prises. Et à partir de cette première trame de sons, nous pouvons ensuite arranger par différentes manières : via du montage sur ces premières prises ou par des overdubs d’autres instruments, sons et voix. Nous avons été marqués par les démarches d’Eno avec Bowie ou de Macero avec Davis : un mélange de spontanéité sonore mise en forme par le studio.
Q- Vous êtes multi-instrumentiste mais surtout guitariste, quelle est la place de la musique et de la guitare dans votre vie ?
M T: J’ai une formation classique de guitare en conservatoire qui m’a donné le goût à l’instrument, mais j’ai eu une profonde révélation en jouant pour la première fois d’une guitare électrique vers onze ans à la même période où je découvrais des groupes anglo-saxons comme Radiohead, Portishead et Beck. Je ne me considère pas autant comme un guitariste que comme une personne qui cherche à traduire des idées via des sons, incluant certes la guitare, mais aussi les pédales d’effets et les amplis qui sont des composantes au moins aussi importantes que la technique digitale pure. C’est d’autant plus vrai lorsque nous enregistrons avec The Snobs où je joue aussi d’autres instruments. J’aime certaines façons de jouer de la guitare bien sûr : je tiens des guitaristes venant du rock pour modèles et principalement des gens qui ont pu maltraiter l’instrument, le détourner pour mieux le réinventer comme Thurston Moore et Lee Ranaldo de Sonic Youth. J’aime énormément la retenue de Michael Rother de Neu!, cette façon de ne jouer que l’essentiel qui est commune à Miles Davis d’ailleurs. Cela ne m’empêche pas d’apprécier de fins techniciens comme Robert Fripp, mais les jeux qui m’attirent le plus sont souvent les plus concis. Le jeu de John McLaughlin, guitariste de Miles Davis de 1968 à 1972, par exemple montre bien à quel point le jeu d’un instrumentiste n’est pas grand-chose sans une vision artistique forte. McLaughlin est brillant sur In A Silent Way, Bitches Brew, Jack Johnson et On The Corner, et de bien des manières : tantôt tenu et sobre, tantôt virtuose et saturé à l’extrême, parfois même free et funky. Pourtant le manque de vision rend son jeu plus anodin dans ses enregistrements solos ou avec le Mahavishnu Orchestra : sans contrainte, il se laisse aller aux gimmicks instrumentistes de l’improvisateur qui, ne sachant pas vraiment quoi exprimer, laisse parler ses doigts pour lui. Et il n’en reste souvent qu’une démonstration virtuose plus impersonnelle. Pete Cosey, le guitariste de Miles dans sa dernière période électrique importante de 1973 à 1975, témoigne d’une démarche plus intéressante à mon avis. Il intègre les pédales d’effets de manière plus radicale à son jeu et n’hésite pas à pervertir l’instrument en inversant l’ordre des cordes pour mieux renouveler son approche et se détourner des automatismes qui pointent trop souvent chez l’improvisateur techniquement irréprochable.
Q- Je suis absolument d'accord avec vos propos. Pour finir, vous êtes un grand amateur de musique, toutefois certains écrivains ne peuvent pas travailler en écoutant de la musique. Alors, écoutez-vous de la musique en écrivant ?
M T: Oui, une fois l’étape de contenu et de plan terminée, je rédige en écoutant de la musique et, très souvent, celle à propos de laquelle j’écris parce qu’elle me stimule. Elle donne un dynamisme à l’écriture et la rend peut-être, j’espère, plus vivante. Et le groove incroyable des albums de Miles Davis des années soixante et soixante-dix est parfait pour cela.
Propos recueillis par Jean-Jacques Arnould
Bibliographie:
-"La trilogie Bowie-Eno , influence de l'Allemagne et de Brian Eno sur les albums de David Bowie de 1976 à 1979".2011-Camion Blanc Eds-
-Bitches Brew ou le jazz psychédélique. 2012- Le mot et le reste-
Discographie sélective:
-Steve Dalachinsky and The Snobs:
"Massive Liquidity"- An unsurreal post-apocalyptic anti-opera in two acts-(Bambalam.Records)
-The Snobs:
Matthieu Thibault a produit sous le pseudonyme "Duck Feeling " ou avec son groupe "The Snobs" une douzaine d'albums, art-rock, disponibles uniquement en téléchargement gratuit sur le site: huntingbears . free. fr.

samedi 3 mars 2012

Florent Mazzoleni "Memphis. Aux racines du rock et de la soul"

"Memphis. Aux racines du rock et de la soul" Editeur:Castor Astral (192 pages, 9 Euros)

Il y a des passions qui deviennent un métier. Florent Mazzoleni, écrivain, voyageur, photographe, conférencier, est un passionné de musique, de ces musiques qui relient l’Afrique, les Caraïbes, les États Unis et l’Europe, avec lesquelles il remonte aux sources pour mieux comprendre le présent.
Florent Mazzoleni a souvent traversé le sud des Etats Unis le "Deep South" avant d'écrire ce livre sur Memphis. Il recherchait les pistes du passé, les lieux, mais aussi les producteurs, les photographes, enfin les acteurs de cette histoire blues, soul, et rock'n'roll. « On vient à Memphis chercher des fantômes et écouter les lointains échos d’un âge d’or depuis longtemps révolu »,
Il nous dévoile les secrets du Memphis Sound, des labels mythiques et ses visites aux studios Sun, Stax et aussi au légendaire studio Ardent à Memphis où son ami Alex Chilon et Big Star enregistraient leur dernier album .
" Sam Phillips est peut-être le producteur le plus visionnaire du XXe siècle". Le rock'n'roll existait avant Elvis mais c'est lui qui, de Memphis, a véritablement lancé cette musique . Il a créé presque à lui seul une culture et popularisé le télescopage du blues noir et de la country blanche qui a donné naissance au rock. "Comme si toutes les contradictions de la musique américaine avaient été résolues comme dans un rêve"
Le titre "Memphis. Aux racines du rock et de la soul", à lui seul, suffit à évoquer l’importance capitale de Memphis sur la musique actuelle. Florent Mazzoleni nous raconte avec talent les passionantes anecdotes de la ville et nous guide à Beale Street, Overton Park Shell, Sun ou au Poplar Tunes où Elvis achetait ses disques .
Si vous aimez l'histoire de la musique, si vous aimez découvrir d'où vient la musique que vous écoutez aujourd'hui, bien avant les Beatles, ce livre, est une ballade dans la mémoire d'une ville majeure dans l'histoire de la musique populaire américaine, du bouillonnement des débuts à la chute du Memphis Sound .

jeudi 10 novembre 2011

LES DINOSAURES DU ROCK -Stephan Rossato-Editions Mare Nostrum-Genève-2004-

Un Suisse vraiment atypique a écrit ce précieux bouquin de 1184 pages, concernant 500 artistes plus ou moins Pop-Rock, du monde entier, c'est un boulot énorme pour un seul auteur, surtout avant 2004.
Il fait une analyse musicale tout en soulignant les relations avec le cinéma, la mode et les mouvances sociales. Il analyse aussi les divers courants musicaux, pays par pays, de l'Allemagne au Venezuela, en passant par le Chili, l'Uruguay, l' Italie ou l'Estonie...et en faisant la part belle aux artistes Français. Les années 1960 et 1970 sont naturellement privilégiées, c'est l'âge d'or du Rock .
Ce n'est pas un bouquin de plus sur le Rock, parce que l'auteur est un passionné, donc il est de mauvaise foi, et la mauvaise foi c'est quand même ce qui caractérise les passionnés de rock'n'roll !!! L'auteur nous explique que M.Jackson, n'a pas sa place dans ce livre parce qu'il n'est pas Rock, et je suis bien d'accord avec lui...par contre il consacre plus de quatre pages à S.Vartan dont il doit être plus ou moins amoureux. Ah! The yeah yeah girls from Paris!!!!!!
Les choix sont totalement subjectifs "Plus on pense de façon objective moins on existe "! Des artistes populaires sont bâclés en une page, et des groupes "underground" sans concessions, ou des princesses pop évanescentes et anonymes des sixties s'étalent sur trois ou quatre pages .
Des artistes que j'adore, Robert Wyatt, Van Morrison, Kevin Ayers sont absent du Dico, les Kinks sont bâclés en deux pages! Le plus sérieusement du monde Dylan est traité de "grosse arnaque artistique" . Il fallait oser, mais c'est la loi du genre !
Contrairement à la presse rock généraliste, il met aussi à l'honneur les genres mal aimés; le Progressif, les groupes de série b ou z de tous pays, la variété pop , la "pop" Française et les yéyés girls . Pour lui les yéyés girls sont parfois plus intéressantes que bien des groupes "rock" . J'adore ce genre de parti pris .
Oubliez tous vos préjugés sur le Rock et la variété en lisant ce "Dictionnaire", un livre de chevet .Yeah !

mardi 16 août 2011

Steve Dalachinsky and The Snobs - Massive Liquidity


Steve Dalachinsky and The Snobs

"Massive Liquidity"- An unsurreal post-apocalyptic anti-opera in two acts -

(Bambalam.Records/September 2011)

After one of the best Acid Mothers Temple’s records called "Cometary Orbital Drive", french label Bam Balam.Records comes back this year with a new collaboration between new-york beat poet Steve Dalachinsky and french art-rockers The Snobs. Dalachinsky plays with words like models William Burroughs or Allen Ginsberg did few decades ago: using cut-up and automatic writing, he creates new meanings. Not only a writer, Dalachinsky performs regurarly with free-jazz musicians and friends to give his text a new life. You can see the poet at work, how he breaks the rules of the language to create his own and how he embodies his words to converse with the sound of a saxophone or a double bass.
"Massive Liquidity" is the result of a Bam Balam.Records’ wish to hear the deep and mysterious Dalachinsky’s voice mixed with a more rock and electric oriented music. The Snobs are a french duet formed by brothers Mad Rabbit and Duck Feeling in 2003. They produce records on their own and release them on their website for free. The latest, called Rhythms Of Concrete, was published last march. It puts together David Bowie/Brian Eno trilogy’s soundscapes, Miles Davis’ mechanical grooves from 1972’s masterpiece On The Corner, with a bit of Can’s Holger Czuckay collage science.
Dalachinsky and The Snobs met in winter 2011 in Paris to record some vocals for the project. With the first coming back to New York few days later, french duet had the freedom to process with sounds just like Dalachinsky did with words: they used edits, collages and experiment to create the most cohesive work. Duck Feeling plays all the instruments on the record: guitar, bass, sitar, electronic organ, psychedelic effects, percussion instruments made with petrol cans or metal sheets. There’s also trumpet and xaphoon - which provides a lovely oriental tone to the first musical suite - contributions by friend of the band’s Devil Sister. Mad Rabbit produces by using the studio tools like compositional instruments. He sorts the best parts of the music and the words out to form something cohesive and moving.
"Massive Liquidity" presents two twenty minutes musical suites made of various influences: 1969’s Miles Davis’ instrumental freedom hit Einstürzende Neubauten’s industrial and elegant sense of rhythm. Psychedelic effects are both essential and measured to let a strict groove between James Brown and Arnold Schoenberg happen. Dalachinsky’s voice is the narrative element: it can be a gentle whisper at a moment and turn into a wild and menacing raucous noise just few seconds later. Words and music interact, they sometimes hurt each other or simply become one only powerful and moving sound. The record’s closing belongs to the voice, which seems to clarify the violent and cosmic experience the listener just had: "It’s his head now… Pull the trigger".